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Batman, de L'Ombre à la Noirceur 

Naissance  d ’un  Héros

 

 

Personnage de Comics devenu icône de la culture pop nord-américaine, Bruce Wayne alias « Batman », fut créé en 1939 par le dessinateur Bob Kane et le scénariste Bill Finger à l’aube de la seconde guerre mondiale. Ce détail n'est pas anodin puisque l'on peut supposer que la naissance de « Batman » se fit dans une atmosphère chargée par la menace de l’ombre de la guerre en Europe.  L’Homme chauve-souris se distingue des autres super héros du fait qu'il ne dispose d'aucun "pouvoir surnaturel », hormis sa fortune : c'est un homme « normal », ou presque, qui mène une lutte contre le crime suite au traumatisme du meurtre de ses parents dans une ruelle de Gotham City - la ville où se déroulent la plupart de ses aventures.
 

La naissance de ce trauma est à l'origine de la dualité complémentaire entre Bruce

Wayne, l’homme social, solaire et Batman, son ombre plus obscure.

 

En physique, il est impossible de projeter une ombre sans lumière, il en va de même pour la psyché humaine. Dans de nombreuses histoires modernes, nous retrouvons la symbolique de la nuit, cette obscurité qui est depuis le commencement de nos civilisations le recueil de toutes les projections humaines : ce que l’on ne voit pas nous est inconnu et l’inconnu attise nos peurs.

 

En s’inspirant des philosophies orientales, Carl Gustav Jung arrive à la conclusion qu’"il n'y a pas de lumière sans ombre. La vie nécessite pour son épanouissement non pas la perfection mais la plénitude. Sans imperfection, il n'y a ni progression, ni ascension. Sans imperfection, il n'y a pas de totalité psychique. L'ombre est quelque chose d'inférieur, de primitif, d'inadapté et de malencontreux, mais non d'absolument mauvais".[1]

 

 

L’ombre représente donc une forme d’inconscient, mise en exergue par les qualités du sujet et est donc absolument nécessaire. Cette notion tient une place capitale dans le psychisme humain. Elle représente tout ce que nous cachons aux autres et avant tout, à nous- mêmes, afin d’incarner au mieux notre « image » de l’idéal. Il réside aussi dans la profondeur de l’ombre notre potentiel en devenir, c’est aussi tout ce qui n’est pas encore advenu dans la personnalité, tout ce qui a été refoulé dans l’inconscient car non admit par la morale ou mal intégré par la conscience.
 

Le meurtre des parents du jeune Bruce Wayne le met face à une douleur extrême qui réveille en lui toute la profondeur de son obscurité et, une fois acceptée et transcendée, le transforme et le fait devenir « batman ».

 

 

Analyser « Batman », c’est aussi comprendre nos propre zones d'ombres, celles des

autres et ainsi en faire un atout.

 

"Rien n'est plus passionnant que de jouer un personnage pris dans des zones d'ombre. Et elles sont nombreuses chez Bruce Wayne", déclare l'acteur Christian Bale au sujet du dernier volet de la trilogie Batman, de Christopher Nolan [2].

La projection de ses peurs

 

 

L'ombre se manifeste par un mécanisme de projection. Qu'il s'agisse d'un trait de caractère réel ou fictif, nous projetons ce que nous n'acceptons pas de nous-mêmes sur des individus et des objets extérieurs : l'autre. Toute personnalité qui nous pose problème, tout comportement agaçant, nous donne des renseignements sur nous-mêmes. Prendre conscience de son ombre, c’est reconnaître l’existence réelle des aspects obscurs de sa personnalité. Cet acte est un fondement indispensable à la connaissance de soi mais c’est aussi le plus difficile, car cela nécessite de s’abandonner à la différence, à la non maîtrise et à l’inconnu.

 

En prenant conscience de nos projections, nous sommes en mesure de réintégrer des parts de notre être pour devenir plus complet. Car l'ombre n'est que le pôle complémentaire inconscient de nous-même qui constelle notre dualité en devenir. L’idéal de la totalité appelle l’intégration de l’ombre non pas comme une opposition mais comme une complémentarité. Apprivoiser son ombre amène l’unité du Soi.

 

Comme très bien expliqué dans le premier film de la série des Batman de Nolan

« Batman Begins », c’est exactement ce que va vivre le personnage de Bruce Wayne en affrontant une part de son ombre au travers de sa peur des chauves-souris et en devenant lui- même l’objet de sa peur, une chauve-souris, le « Batman ». Bruce Wayne, en se transformant en Batman, devient l’incarnation de ses propres peurs. Il peut donc utiliser le pouvoir de l’amplitude de sa complémentarité contre ses ennemis en leurs renvoyant ainsi, tel un miroir, la projection de leur propre ombre, et de leurs propres peurs.

 

Au cours de notre vie, tout ce que nous avons entrepris et raté (nos actes passés, le refoulement de nos désirs illicites) se dépose dans cette zone ignorée. Cela alimente notre sentiment de culpabilité et nos peurs.

 

 

De l'Ombre à la Noirceur:

 

Tant que « Batman » doute, il met en exergue son humanité et c’est ce qui différencie le « Super-Héros » du « Super-Vilain » ( les méchants dans les comics) qui eux ont laissés leur ombre les submerger et les transformer en psychopathes, devenant ainsi possédés par leurs fascinations, absents de tout sens moral. Il peut être tentant de s’abandonner à l’ombre et de sombrer dans la noirceur car son pouvoir en tant que potentialité de devenir est immense. Le pouvoir corrompt. La tentation et la facilité de l'obscure mènent à l’unilatéralité et l’excès d’ombre mène à la noirceur : « La colère décuple ta puissance mais, si tu la laisses te dominer, elle va te détruire ("Batman Begins").[2]

Plus la conscience est atrophiée, plus l’ombre et l’inconscient prennent une place importante.

 

 

En effet, l’obscurité excessive, comme la lumière d’ailleurs, peuvent être tentantes par leur déconcertante facilité.

 

 

Ce qui fait de batman un justicier c’est justement sa sagesse et sa faculté de servir autrui. C’est l’une des nombreuses distinctions entre un personnage célèbre et un héros, nous dit Joseph Campbell [3], car le premier vit uniquement pour lui-même tandis que le second s’efforce de sauver son prochain.

D'où l'importance du personnage du majordome, Alfred Pennyworth: celui-ci doit souvent ramener Batman vers Bruce Wayne, vers son humanité et ses qualités fondamentales. Si seul Batman existait, il ne serait qu’un endeuillé perpétuel, emplit de vengeance et de haine.

 

Dans un environnement réel, des proches ou des personnes qui nous conseillent, peuvent se révéler d'excellents "majordomes". L'idéal étant de parvenir progressivement à assumer soi-même cette mission d’équilibre, aussi délicate que nécessaire, sans la projeter à l’extérieur mais en l’intériorisant.

 

 

Conclusion

 

Cette zone d'ombre fait donc partie de la condition humaine. Si il est erroné et extrêmement réducteur de lier l'ombre à l'idée  du "mal", il faut néanmoins s'en méfier car telle une véritable boite de Pandore, l'ouvrir peut conduire à des comportements néfastes voir dangereux pour soi et les autres dans la mesure où l’ombre et même le sombre en soi ne sont pas conscientisés et mis en lumière.

 

En apprenant à se connaître, « défauts » ou "qualités à l'excès" que nous possédons deviendront des atouts. Notre réussite et notre épanouissement se nourrissent aussi de nos imperfections et vise versa.

 

 

A la question, doit-on combattre la zone d'ombre qui existe en chacun d'entre nous ?, l'analyse du personnage de Batman fournit de précieux éléments de réponses. Il ne s'agit pas de lutter ou de refouler mais simplement de conscientiser.

 

 

Bibliographie:

 

 

[1] - Carl Gustave Jung, Ma Vie

 

[2] - La trilogie du Chevalier Noir, regroupe les trois volets de Batman réalisés par

Christopher Nolan:

 

Batman Begins (2005), The Dark Knight ( 2008) et The Dark Knight rises (2012) [3] - Joseph Campbell, Puissance du Mythe, Oxus 2009

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