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Être Analyte...

Aussi bizarre que cela puisse paraître, on ne devient pas analyste, on l’est ou on ne l’est pas ! L’analyste porte en soi un appel, comme l’Artiste est au service de son art, sans en véritablement maîtriser le sens. J’entends par là qu’on l’est, par nature, telle une pierre brute de caractère, avant de devenir, de dégrossir, de tailler et de polir pour s’en faire un joyaux au service des autres. Evidemment, on ne finit jamais d’en arrondir les bords.

 

 

Ce qui me semble essentiel pour toute personne souhaitant travailler dans une forme sociale, c’est d’aimer son prochain, d’être profondément intéressé par l’être humain, par sa complexité, par ses sentiments.

Je pense que tout analyste honnête sera à même de vous dire sa recette : beaucoup d’empathie, pas

mal d’instinct et un soupçon de Culture.

Accueillir nécessite évidemment une disponibilité énorme, cela demande d’être vigilant devant son propre état psychique et de constamment faire le ménage à l’intérieur de soi. Mais accueillir ne suffit pas, il faut aussi travailler l’art de recevoir votre hôte, tel qu’il est venu à vous. Aussi différent que soit ses mœurs, aussi singulière soit sa vie, votre rencontre appelle la fusion. Si le voyageur est venu jusqu'à vous, c’est que vous deviez partager ce moment précis de vos vies, et cheminer ensemble.

Il n’est pas rare que la personne porte en elle un fardeau qui lui semble si lourd, qu’elle en est à un moment où elle ne sait plus comment avancer sans se briser l’échine.

C’est donc avec l’aide de l’analyste qu’elle fera le tri dans sa vie, dans son histoire . On s’aperçoit

souvent qu’une grande partie de la charge du voyageur ne lui appartient pas. Ou bien on constate que le sac est à moitié plein car l’on ne soupçonnait pas sa capacité naturelle. Ou encore qu’il était tellement mal rangé que de déballer ses affaires personnelles pour mieux les mettre en ordre permettra d’aller encore un peu plus loin sur sa route.

Mais l’idée d’une analyse, c’est l’autonomie du voyageur.

 

 

L’instinct de l’analyste est bien difficile à décrire, car quelque part, c’est l’inconscient à l’état brut. Combien de fois nous arrive t’il d’avoir ces idées qui nous traversent la tête au contact de nos patients, qui nous viennent sans aucune raison logique. Quand vous avez suffisament fait le vide en vous, et que vous êtes dans un état de réception absolue, vous êtes connecté à l’instinct. C’est un état d’Harmonie, vous ne faites qu’un avec votre environnement. Arrivent alors des idées, des sentiments qui vous traversent en l’état. Chacun est libre de les laisser aller spontanément ou alors de les laisser s’amalgamer vers une idée cohérente avec l’aide d’autres fonctions.

 

 

Pour pouvoir comprendre du mieux possible qui est cet « autre », au-delà de sa simple humanité individuelle, il faut comprendre sa culture, ses origines et ses intrications dans le monde social. Ô, combien il est facile comme disait Carl Gustav Jung, de faire l’erreur de croire que la personne en face de vous possède la même psychologie que la vôtre, de « projeter » sa psychologie chez l’autre.

Un analyste se doit d’être toujours plus curieux de ce qui l’entoure pour enrichir son monde intérieur

et personnel. Auprès d’une personne, ce qui demeure important n’est pas ce que l’on sait de lui mais plutôt ce que l’on ne sait pas. Il s’agit en quelque sorte de s’intéresser à tout, pour mieux pouvoir servir l’autre, car comme disait l’axiome des rois chrétiens « Sevire regnare est », régner c’est servir. Pas de hautes branches culturelles sans racines profondes intérieures.

 

 

La question de la légitimité

 

 

Que celui qui n’a jamais eu ce sentiment d’être illégitime me jete la première pierre ! Il est extrêmement difficile dans une société basée sur l’apparence de ne pas être complexé par ce que l’on est ou alors à l’inverse de tomber dans l’excès d’égo (Je vous renvois là à l’excellent livre

«La Fabrique des imposteurs » de Roland Gori(3)).

Quelque part, je crois qu’il est toujours bon de remettre en doute sa légitimité, de se remettre en questions, tant est que l’on s’intérroge, car on tend ainsi vers l’équilibre. Le doute a un sens, celui de ne pas succomber aux facilités de extrémisme.

Je connais des thérapeutes, possédant de nombreux diplômes, qui ont plus de quarante patients par

semaine, douter toujours de leur légitimité à exercer leur profession.

Pourquoi ? Parce que la légitimité, comme la confiance en soi, relève de la connaissance la plus intime de soi même.

A l’échelle collective, malgré nos progrès technologiques, l’abondance de matériel et de moyens dans nos sociétés dites civilisées, la confiance en soi et l’amour de soi restent les choses les plus compliquées à intégrer. L’Abondance extérieure ne garantit pas enrichissement intérieur.

 

 

La question du manque d’amour et donc du manque de confiance en soi, sont les pierres angulaires à toutes bases thérapeutiques.

 

Être humble mais pas que…

 

 

Un bon thérapeute est humble par définition, pour ne pas écraser l’autre dans ce qu’il est et l’accueillir du mieux qu’il se doit, sans aucune autre forme de pouvoir hormis le cadre de la séance. Mais être humble n’empêche pas d’avoir des intuitions, des sentiments, des sensations, des convictions et des pensées, au contraire, car nous sommes humains et c’est cette humanité qui guérit. Quand il s’agit de soi même, il faut accepter de savoir et d’être plutôt que de croire sans penser que c’est une forme de totalitarisme. Qui mieux que vous-même peut vous connaître ? C’est pour cela que pour empêcher toutes contaminations voir toutes dissolutions psychiques, il faut posséder une assise consciente et inconsciente profondément inscrite dans sa propre totalité « sane in corpore sano », en équilibre entre sa tête et son cœur.

 

 

Relier à soi, avoir sa Foi…

 

 

Pour être analyste, il faut avoir la Foi ! Il est fort probable qu’en tant qu’analyste vous passiez vos journées à entendre des histoires lugubres, celles qui vous ramènent à la civilisation première, instinctive et pulsionnelle. Comment ne pas succomber, ne pas se faire happer par cet élan de noirceur qui appelle inévitablement votre part d’ombre. Certes, il faut se connaitre mais il faut aussi avoir un ancrage profond, une attitude spirituelle. Une attitude spirituelle, consiste à avoir confiance dans la profondeur de l’Homme, ce qui dans l’homme le dépasse ; ce qui dans l’homme demeure ouvert à un « au-delà de l’homme ». (1) . Dans la mesure où l’être humain constitue une parcelle du monde, il est marqué par l'universel.

Jung disait que la thérapie se termine vraiment quand le patient acquiert un sens profond du

numineux, autrement dit lorsque qu’il se sent relié à l’univers par une dimension sacrée(1).

 

Il faut en quelque sorte agir comme un accompagnateur spirituel et donc accompagner la remise

« en  lien » et favoriser l’ouverture, en évitant à l’autre de s’arreter sur ses symptômes et de

s’identifier à eux(2).

 

 

Pourquoi être Analyste ?

 

 

Être analyste est de cette façon, un acte politique voir militant. C’est savoir que le changement passe d’abord par l’échelle individuelle avant d’arriver dans la société. C’est de croire en l’individu et donc en la possibilité qu’a chacun de tendre vers sa propre individuation, de considérer la sociologie comme sa résultante naturelle. La société est un concept qui exprime la symbiose que constitue un groupe humain. Il faut avoir un goût prononcé pour la profondeur et l’âme humaine.

Pour citer Jung :

« Sensibiliser, et mettre en lumière la personnalité afin de l’aider à cheminer vers son épanouissement et sa totalité afin qu’elle puisse tendre vers l’individuation voila en quoi réside le but d’un analyste qui prétend être autre choses qu’une simple cure de symptômes. »

 

 

Bibliographie

 

 

(1)Carl-Gustav, Jung, La Guérison Psychologique, édition Georg, 1984 (2)Marie de Hennezel, Jean Yves Leloup, l’art de mourir, 1997

Roland Gori, La fabrique des imposteurs,édition les liens qui libèrent, 2015

 

Carl- Gustav, Jung, L’âme et la vie

 

Loïs Le Tuault

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